Samedi 3 février 2024, I-Conic Family Sound System invitait Ruff A Dub Sound System, à Coësmes (35), pour une édition spéciale du Groundation Corner, en mode meeting jusqu’au petit matin avec 3 scoops chacun. Chaque crew était accompagné d’un instrumentiste, respectivement le tromboniste Natty Garden et le saxophoniste Guru Pope. Culture Dub est venu assister à cette session haute en couleur et strictly Roots & Culture ! Retour en texte et en image.

I-Conic Family est un crew formé récemment formé et qui est basé dans la campagne non loin de Rennes. Ses liens avec la capitale bretonne sont forts et c’est tout naturellement qu’ils ont choisi d’inviter Ruff A Dub Sound System, un crew particulièrement actif à Rennes, qui nous avait d’ailleurs régalé lors de la seconde édition du festival La Bamboche en septembre dernier (lire le report). Le crew rennais est venu accompagné de Guru Pope qui nous régalera de ses interventions au saxophone tout au long de la soirée. Initialement, I-Conic Family avait invité le Dub poète Kamel, malheureusement il n’a pas pu venir. Le crew a su rebondir et ce sera Natty Garden (membre de Wise Garden Sound System) qui les accompagnera au trombone.

Ces dernières années, il est devenu rare de pouvoir assister à des meetings dans la région, et d’autant plus s’ils durent toute la nuit. Avec une jauge à 200 personnes, on sera donc peu étonné d’apprendre que la soirée affichait déjà complet quelques jours avant.

Avant même de rentrer dans le vif du sujet, il convient de dire quelques mots du lieu, qui est des plus atypiques. En pleine campagne, nous arrivons dans l’enceinte d’un garage avec un grand parking, et au fond se trouve la salle qui accueille l’événement, attenante à un dojo d’arts martiaux ! On se retrouve avec les copains, on croise les mêmes têtes qui ne ratent aucune session des Ruff A Dub. Ajoutez à cela l’ambiance chaleureuse de la salle et voilà que l’on se sent tout de suite comme à la maison. D’entrée de jeu, on sait que ce sera une belle session familiale !

J’arrive vers 20h30 pendant le premier set des Ruff A Dub. Le crew nous propose un warm-up Roots de qualité, avec par exemple le titre‘Jah Lead Us’ de Barry Brown, ou encore ‘Down In Jamaica’ de Lloyd Wilks qui retourne déjà la danse avec sa ligne de basse méga funky.

I-Conic Family prend le relais à 21h30 et reste dans le même registre, avec notamment deux gros classiques de Black Uhuru, ‘Sponji Reggae’ et ‘General Penitentiary’, ou encore ‘Rocky Road’ d’Eric Donaldson. Nous avons également droit à une belle rareté, ‘Splash It Out’ de Junior Brown. La sélection se tourne ensuite vers du Rub-A-Dub début 80s qui flaire bon les Roots Radics. En particulier, un titre Lovers de Linval Thompson fait mouche dans la danse. Le public est déjà nombreux et fait savoir qu’il se régale ! Natty Garden vient glisser quelques notes de trombone sur la version et termine en animant au micro. Au bout d’une heure de set, on part sur un registre Digiroots un peu plus musclé, avant de revenir sur des big tunes Roots. Mention spéciale pour le titre ‘Inner City Blues’ de Max, suivi de la version mélodica d’Augustus Pablo, j’ai rarement eu l’occasion de l’entendre en session.

Il est 23h lorsque Ruff A Dub reprend la main. Désormais, les crew vont enchaîner des set d’une heure. Le set démarre par un dubplate nominatif sur un gros riddim Rub-A-Dub meurtrier et se poursuit à la perfection avec des big tunes Roots. En particulier, le titre instrumental ‘Roots Jazz’ de Jah Malla est du plus bel effet avec sa ryhtmique One-Drop et ses arrangements d’une grande classe. Du Roots d’une rare qualité ! A noter aussi le passage du classique ‘Ivory Girl’ de Thomas White, qui ne manque pas de retourner la danse. Guru Pope profite de la version Dub pour nous gratifier d’une superbe improvisation avec des envolées free bourrées d’effets, dont lui seul a le secret. Ruff A Dub continuera à jouer les versions Dub durant le set, laissant la place à Guru Pope, qui semble particulièrement inspiré par la sélection. On peut notamment citer ‘English Girl’ d’Audrey, produit par Jah Shaka, bien plus calibré pour le Sound System que la version de Mad Professor à mon humble avis, ainsi que ‘Rastaman In Control’ de Sun I Tafari, un Roots moderne à la fois lancinant et très entraînant. Le set se termine par un dubplate de Bat Records. Le crew a une affinité particulière pour ce label et il n’est pas rare de les voir en jouer en session.

I-Conic Family fait retomber la pression lorsque vient son tour avec un deep Roots. Pour mon plus grand plaisir, on reste sur un registre Roots durant le set, avec des classiques tels ‘Bacra Massa’ de Lloyd Willacy, ou ‘Stop Them’ de Joe Morgan. Nous avons aussi le plaisir d’écouter une belle rareté, ‘The Man Who Sold The World’ des Wally Brothers. Natty Garden fait quelques interventions au trombonne qui embelissent les versions dub, et des copains du crew viennent ponctuellement animer au micro. On pousse là le curseur de l’ambiance familiale à son maximum !

Il est 01h et la soirée bat son plein. C’est devant un public chaud bouillant que Ruff A Dub reprend le contrôle. Le crew part d’entrée de jeu sur une sélection spéciale Jah Shaka Music, qui durera 45 minutes ! Il va sans dire que les big tunes s’enchaînent et retrounent la danse. En ce qui me concerne, les titres les plus marquants sont ‘How Long’ de Tony Tuff (avec trois versions différentes !), ‘Don’t Mash Up Creation’ de Sharon Little, ‘Victim Of Society’ de Stranjah Cole (certainement ma plus grosse claque de la soirée) et l’incontournable ‘Red Eyes’ de Vivian Jones. Guru Pope est toujours présent sur les versions et nous régale sur ces grosses productions Digiroots, un grand moment ! Après cette déferlente Jah Shaka, le set se termine avec la big tune Roots ‘Prophecy’ de Fabienne, suivi du Roots moderne ‘Can’t Control I’ de Prince Malachi et enfin un dubplate Roots de Bat Records qui fait retomber la pression.

Nous n’en avons pas terminé avec Jah Shaka, puisque I-Conic Family démarre son set par la big tune ‘Africa’ d’Horace Andy. On enchaîne avec un autre classique UK, ‘World Crisis’ des Twinkle Brothers. Le sélection revient ensuite sur du Roots avec ‘Look Youthman’ de Barrington Levy ou encore le superbe ‘Stop The War’ de Merva Grey. Au milieu de tout cela vient se glisser un titre Reggae du groupe de Punk The Clash et cela passe crème. Le set se termine sur des productions UK plus musclées tel le fameux titre ‘Education’ de Bob Skeng. J’ai beau l’avoir entendu maintes et maintes fois en session, je ne m’en lasse jamais !

A 03h, Ruff A Dub prend place pour le dernier set avant le dub-fi-dub. Et ils frappent un grand coup avec une sélection Roots remplie de killer tunes. Si le premier titre joué (‘Execute’ de Cultural Roots) fait retomber la pression, très vite la danse retrouve son énergie survoltée. A noter par exemple un bel enchaînement avec ‘We Are Leaving’ de Fitzroy Drummond, ‘Bredda Gravalicious’ des Wailing Souls et ‘See Them A Come’ de Culture. Puis retentit le classique ‘Free Mandela’ de Yami Bolo. Ce titre Digiroots permet de faire la transition vers des productions récentes, en particulier la dernière sortie du label français Upfull Posse, fraîchement sortie fin janvier.

Il est maintenant 04h et l’heure du dub-fi-dub a sonné. Les crew vont jouer deux titres chacun à tour de rôle. La salle étant tout en longueur avec chaque sono disposée de part et d’autre, il y a un drôle d’effet ping-pong lorsque les massives se déplacent d’un stack à l’autre. Ruff A Dub met à l’honneur le label Da1yah Records avec une version dub terriblement efficace du titre ‘Too Late’. I-Conic Family remet une petite couche de Jah Shaka avec le classique mais indémodable ‘Fari Captain Of My Ship’ de Max Romeo. Malheureusement, une fois n’est pas coutume, votre humble serviteur ne fera pas partie des ultimes guerriers de la danse qui restent jusqu’au bout et je ne pourrai donc pas vous en dire plus.

Ce premier meeting organisé par I-Conic Family Sound System était une belle réussite ! Ce type d’événement était devenu une denrée rare dans la region rennaise ces dernières années, c’est donc de très bonne augure pour le futur si la nouvelle génération nous propose des événements d’une telle qualité.

Big up à l’orga pour l’accueil !

Texte : Raphaël
Photos : Klervi