Ce 4 mai 2024 à Rennes, le Jardin Moderne accueillait la très attendue Dubwise Party #3, nouveau format des soirées éponymes organisées par le collectif et sound system Bout’40. Ce soir là de 21h à 3h : deux arènes, deux ambiances, un sound meeting réunissant plusieurs générations en extérieur avec les 8 scoops du Fox In Dub Sound System et les 8 scoops de Bout’40 Sound System, accueillant respectivement Alpha Steppa et Alpha & Omega. Nous retrouvions également dans la salle du Jardin Moderne la sono d’I-skankers Sound System qui accueillait pour la soirée le crew parisien High Bass.  Basile & Raphaël y étaient et vous proposent un live report détaillé pour revivre cette soirée unique et magique Inna Culture Dub !

 

Anciennement organisées au Mondo bizarro, les soirées Dubwise ont personnellement beaucoup participé à ma culture sound system, ces sessions régulières étaient un point de rendez vous pour beaucoup d’entre nous et ce fut avec une grande amertume que pendant la période covid nous apprenions la fermeture du Mondo bizarro et par extension la fin des soirées Dubwise (organisées par Bout’40) et des soirées Dub Corner (organisées par I-Skankers). Pas étonnant donc de voir que la soirée affiche complet déjà depuis quelques jours.

Il est 21h et je suis assidûment présent au Jardin Moderne et précisément dans la petite salle qui abrite la sono d’I-skankers aka The Rootikal Dubwise Family. Pour beaucoup d’entre nous, cela faisait un petit moment qu’on ne les avait pas vus en session, et encore moins à Rennes. La soirée démarre alors sur un big tune de Jackie Paris : le fameux ‘Sinner Man’ en 12” sur le label Technics. Tout ce passe exactement comme à leurs habitudes, Lylloo à la sélection et à l’opération, jouant ensuite la face b de manière presque systématique pour laisser les membres du crew exprimer leur créativité et agrémenter les versions chacun à leur manière, Pablo au chant et mélodica, Zed au contrôle des différents effets, Fatty J et Victor au micro. Un plaisir de voir cette équipe une nouvelle fois réunie au contrôle de leur sound system et armée de leur sélection roots & kulcha dansante et consciente. The rootikal dubwise family nous propose un warm up de qualité en continuant avec un autre classique sorti, lui, sur le label Wackies en 1980 ‘March Down Babylon’ du groupe The Chosen Brothers ; un superbe morceau à la lenteur entrainante. On revient en Jamaïque pour le prochain morceau du warm up avec ‘Yard Music’ de Soul Power & Sound. 

Le temps passe, il est presque 22h et les deux scènes sont presque pleines. Et une longue queue attend encore de rentrer afin de profiter de ce moment assez unique sur Rennes. Dans la petite salle l’ambiance est encore résolument roots and kulcha. Lorsque je rentre, le warm up assuré par I Skankers n’est pas encore terminé, le tempo s’est légèrement accéléré tout comme le mouvement des massives qui dansent à l’unisson sur ‘Rise Ethiopian’ de I.Haicideons & I.Jarzif, un morceau au rythme très dansant sorti en 1978 sur Greensleeve. Le disque cache une surprise : juste après la version vocale, on peut retrouver un big cut DeeJay qui ne manque pas de mash up la danse. Quelques instants plus tard, pour finir ce warm up, I skankers décident de jouer un classique de leur sélection ‘Dread ina Babylon’ de Bobby Thomas, la foule est plus que réceptive et la bonne ambiance est clairement au rendez vous. Cela nous fait évidemment remonter de bons souvenirs du Mondo Bizarro et des soirées Dubwise et Dub Corner. 

C’est donc au tour de de High Bass de reprendre le contrôle de la sélection. Le crew tout droit venu de Paris en profite pour nous dire que cela fait 13 ans qu’ils n’avaient pas joué avec les Rennais et que c’était toujours un plaisir de venir jouer Roots & Kulcha un peu partout que ce soit en France ou ailleurs. Ils démarrent plus calmement avec un superbe tune early 70s de Horace Sleepy Andy, suivi ensuite du big lovers tune de Enos McLeod – ‘By The Look’. On continue alors avec des classiques du genre tel que ‘Music is my desire’  de Pablo Moses ou encore le fameux ‘Get Ready’ de Delroy Wilson. On fait ensuite un bon de quelques années avec un morceau particulièrement puissant du chanteur Vivian Jones qui nous chante ‘Crucial’ un hommage à la musique reggae de manière générale, le tune est joué particulièrement plus fort que les autres morceaux depuis le début de la soirée et l’upper bass nous chatouille agréablement les narines. On a ensuite le droit à une big version moderne plus dancehall du tune ‘Burning Bush’ de Trevor Byfield. High Bass propose une sélection plus qu’éclectique comme à leur habitude et pour nous prouver que le reggae ne se cantonne pas qu’à la Jamaïque ou à l’Angleterre, ils nous font découvrir ou redécouvrir pour certain.e.s un morceau sorti aux Pays Bas dans les années 80s interprété par The Sundance Kid – ‘Ordinary Man’, comme à son habitude le morceau marche très bien dans la danse et le public est conquis. Ils arrivent bientôt à la fin de leur segment, et décident alors de mettre à l’honneur des productions françaises avec le tout dernier morceau du label Chouette Records ‘Seek’  chanté par Marky Lyrical, la première sortie du label de Sir James ‘Take Your Time’  chanté par Vaughn Benjamin notamment connue pour être la voix derrière Akae Beka et Midnite et ils finiront par un Dubplate de Sun-I Tafari signé Hitman & Fiza, la ligne de basse du morceau écrase les massives petit à petit et le bas médium gronde toujours plus pour le plus grand plaisir de la foule. 

I Skankers reprennent fort avec un morceau sorti en édition très limitée sur Shaolin Records ‘Chant dem down’ interprété par le légendaire Al Campbell, un tune très entraînant au rythme rockers et aux inspirations roots de la fin des années 70s. On reste ensuite dans une ambiance modern roots avec le talentueux producteur espagnol Rodrigo Sanchez sur le titre ‘Humble Yourself’ chanté par Shanti Yalah. Pour continuer dans les classiques on aura le droit aussi à quelques dubplates du producteur Dub Foundry, on reconnait bien là la sélection d’International Skankers, une grande influence roots, des rythmes entrainants et une une énergie plus que positive qui émane de la danse. The Rootikal Dubwise Family dégage toujours la même aura chaleureuse qu’autrefois, que ce soit dans l’animation comme dans la sélection. Le temps passe malheureusement trop vite ce soir, et n’ayant pas le don d’ubiquité je décide qu’il est temps pour moi de faire un tour au sound meeting.

Lorsque j’arrive, c’est la sono de Bout 40 Sound System  qui ronronne à plein régime. Et pour cause, nous pouvons retrouver le groupe anglais mythique Alpha & Omega en pleine performance live Christine à la basse et Jonah Dan au keteh (percussion) et au micro. L’expérience est très immersive, pouvoir ressentir toutes les notes jouées en direct sur la sono est assez bluffant, la foule est en plein délire. Le groupe ne manque pas de jouer des classiques comme ‘Blessed Ethiopia’ de Wellette Seyon ou encore ‘Moonsone come’ de Ras Tiny. Je reste quelques temps afin d’assister à cette performance peu commune sur un sound system. Alpha steppa démarrera ensuite son set sur la sono des Fox In Dub avec le désormais anthem du label Steppas Records ‘Rocking Ship’ écrit par Eeyun Purkins et magnifiquement interprété par Joe Yorke. 

De retour dans le “club”, nom donné par le Jardin Moderne pour désigner la petite salle qui abrite la seconde scène où trone la sono d’International Skankers pour la soirée. En entrant dans la salle, une mélodie familière me transporte instantanément, celle-là même qui a vu le jour à Rennes et qui résonne comme un écho de mes souvenirs le titre ‘Ina di Radio’ de Roll & Records. Puis, dans un moment iconique, le producteur du morceau, présent parmi nous dans la salle, passe alors derrière la contrôle tower pour chanter sur la face B, accompagné des autres membres du crew I Skankers. La soirée s’intensifie lorsque nos hôtes jouent un morceau exclusif du label italien Bababoom HiFi avec Jah Mason au chant. Le public est en délire et majoritairement tourné vers la control tower. L’heure du Dub Fi Dub arrive à grand pas mais avant ça il reste un dernier segment pour le High Bass crew ; on commence en douceur avec un hommage au regretté Jah Shaka avec le titre ‘Psalms 61 (Hear My Cry)’ de Rasheda. Sorti en 1987, ce morceau indémodable continue de faire sensation en sound system grâce à son vocal féminin envoûtant et son rythme entêtant. On reste dans le registre roots UK avec le groupe Twinkle Brothers et leur morceau ‘Who Is the Terrorist’, un titre revendicateur qui ne cesse de faire vibrer la piste de danse. C’est un vrai plaisir d’entendre encore des productions aux influences des années 80 à cette heure-ci. Et nos deux amis du High Bass ne manquent pas de continuer dans cette lignée en retournant la danse avec un morceau sorti en 1979 en format 7inch, ‘Strugglers Time’  de Ghetto Connection ce morceau très dansant fait son plus bel effet sur le public. Les basses profondes et les rythmes enjoués captivent immédiatement les massives, les poussant à se déhancher avec une énergie débordante, les sourires et les mouvements de danse se multiplient à mesure que les puissantes basselines emplissent la salle. Le collectif enchaîne ensuite avec ‘Finsbury Park’ de The Tribe, un classique sorti en 1976. Ce morceau roots, sorti en Angleterre, se distingue par son instrumental accrocheur qui reste gravé dans l’esprit du public. Les chœurs chantés par une voix féminine apportent une profondeur et une douceur supplémentaires, créant un contraste harmonieux avec les rythmes puissants du morceau. Le public est captivé, se laissant bercer par les mélodies envoûtantes et les harmonies vocales. Le clou de ce passage survient avec « Seek Him » de The Rastafarians. Ce morceau américain, rarement joué en sound system, surprend agréablement le public habitué aux classiques jamaïcains et anglais. Dès les premières notes du riddim, l’audience montre une réceptivité étonnante, et l’ambiance devient encore plus électrique. Le morceau est tellement apprécié qu’il est « pull up”. Alors que les dernières notes du ‘Seek Him’ résonnent encore High Bass laisse la place, ayant marqué les esprits avec leur sélection éclectique et énergique.  

La nuit avance mais l’énergie ne faiblit pas, le dub fi dub est certes de courte durée mais intense, que ce soit par la sélection pleine de dubplates des deux côtés ou par l’énergie du public. High Bass finissent avec un dubplate cut du classique ‘hear say’ de The Gladiators, bel hommage aux fondations reggae des années 80 et I-Skankers fera de même avec un superbe TaKe Five Riddim ‘Joy Times’ de Tommy McCook.

Big up Bout’40 sound system pour l’organisation de cette soirée au Jardin Moderne, big up Fox in Dub sound system et I-skankers sound system pour la sonorisation, et merci à Alpha Steppa, Alpha & Omega, High Bass pour ces belles sélections tout au long de la soirée.

Texte : Basile

Photos : Raphaël