Culture Dub – L’Histoire du Dub de ses origines à nos jours – Épisode #3
AlexDub, activiste de la scène Dub depuis les années 90’s, vous partage en plusieurs parties sa passion pour l’Histoire du Dub de la Jamaïque des années 60’s jusqu’à aujourd’hui… « Culture Dub, L’Histoire du Dub de ses origines à nos jours« . 1ère Partie : les Racines du Dub en Jamaïque (1967-1980) – De la version instrumentale au Dub (part.3) : Sound Systems et Dj’s !
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1ère Partie : les racines du dub en Jamaïque (1967-1980)
1) De la version instrumentale au Dub (Suite – part.3) / Les Sound Systems (Suite)
Après les violences sociales du début des années 60, opposant les rastas et l’état anglais, la Jamaïque devient indépendante, de nombreux chanteurs rentrent en studio et enregistrent des chansons racontant la joie de cet événement sur des rythmes Ska.
Prince Buster chante, enregistre, produit plus de 200 chansons, et joue ses propres compositions au sein de The Voice Of People. Duke Reid se fait remarquer par la capacité sonore de son sound-system Trojan qu’il équipe d’enceintes toujours plus puissantes grâce à ses moyens financiers tandis que Coxsone et son Downbeat Sound se démarque avec des productions de grandes qualités enregistrées par des musiciens exceptionnels.
Le chanteur-producteur Derrick Harriot explique : « Ce qui a été déterminant, au-delà du simple fait d’écouter de la musique, c’est qu’on pouvait physiquement en sentir les vibrations, du fait de la puissance des équipements. Quand on dansait, on avait vraiment l’impression d’en faire partie… »
De nombreux sounds se développent un peu partout dans l’île et à partir de 1966 avec l’arrivée du Rock Steady. Le Trojan Sound de Duke Reid, après avoir subit plusieurs défaites face aux deux autres sounds, devient le numéro 1 des pistes de danses. Mais c’est surtout l’arrivée de la version instrumentale en 1967, jouée pour la première fois par Ruddy Redwood à Spanish Town avec son Supreme Ruler Of Sound, qui révolutionne le rôle du sound-system. Les deejays peuvent exprimer leurs idées plus longuement sur les versions Dub grâce à la place laissé dans la rythmique des morceaux par les re-mixeurs.
Dès l’arrivée des sound-systems en Jamaïque, les deejays prennent place derrière le micro aux côtés du selecteur et pendant les changements de disques animent la soirée en présentant les chansons où en chauffant la piste de danse pour relancer le public. Dans la Culture Sound System c’est celui qui est au micro que l’on appelle DJ, alors que celui qui passe les disques est nommé selecteur, contrairement à la musique électronique plus récentes où le DJ est celui qui mixe derrière la platine accompagné du MC, maître de cérémonie, au micro.
Le premier deejay reconnu en Jamaïque est Winston Cooper aka Count Machuki qui débute au sein du Sound System Tom The Great Sebastien avant de rejoindre le Coxsone Dowbeat et puis finalement The Voice Of The People de Prince Buster. Count Machuki ne se contente pas d’animer entre les disques ni de les introduire, il parle – on dit aussi « toaste » – en rythme sur la chanson, et raconte des histoires qu’il écrit. Il est le précurseur du Hip-Hop, le premier à parler sur des rythmiques en tempo !
Count Machuki se souvient avec Steve Barrow : « Parfois quand le morceau jouait, suivant mon inspiration je faisais des peps (bruits avec la bouche dans le micro) : chik-a-took, chika-a-took, chicka-a-took. Cela a créé une sensation dans le public ! Alors quand les gens venait acheter le disque ils demandaient le morceau qu’ils avaient entendu à la soirée dansante la veille. Ils ne réalisaient pas que c’était Count Machuki qui injectait ce son en direct dans la soirée ! »
Count Machuki, King Stitt et Sir Lord Comic font le bonheur des sound-systems pendant presque deux décennies, de l’arrivée des sound-systems en Jamaïque jusqu’à la naissance des versions dub. A partir de la fin des années 60 les ingénieurs re-mixent les rythmiques des chansons en plusieurs versions dont une spécialement conçue pour les deejays. C’est à cette période que naissent les – version part 1, version part 2, version dub – toutes pressées en dub-plate pour les selecteurs des Sound Systems qui enchaînent sur leur platine la version chantée, la version instrumentale avec le deejay en direct au micro et la version dub avec les basses renforcées et effets percutants.
King Stitt enregistre ‘Fire Corner’, le premier 45t avec une version deejay sur un dub produit par Clancy Eccles. U-Roy devient en 1969 le deejay officiel pour le sound Tubby’s Home Town Hi-Fi, il sait parfaitement poser sa voix sur les rythmiques dub mixées par King Tubby. Leur complicité enchante le public, King Tubby joue avec les effets sur la voix de U-Roy et celui-ci chevauche à perfection les riddims du maître. Le reggae devient le style musical dominant de l’île et sur ces rythmiques plus syncopées U-Roy, le premier deejay rasta, va transmettre au public ses pensées, ses vibrations à travers des paroles conscientes comme sur le morceau ‘Rule The Nation’.
Tous les foyers ne sont pas équipés d’un poste radio, pour certains jeunes le seul moyen de découvrir les musiques actuelles en Jamaïque est le sound-system. Aussi, avec le dub, les deejays peuvent maintenant partager de plus longs textes avec le public et se servent de cette espace pour dénoncer les violences des rues de Kingston, l’exploitation, la colonisation et les injustices de Babylone (représentation de l’oppresseur pour les Rasta). Duke Reid entend parler du phénomène U-Roy au micro du sound de Tubby et enregistre avec celui-ci plusieurs chansons qui voient le jour en 45t.
À partir de ce moment le Sound System apporte au public des dancefloors par l’intermédiaire du DJ, les informations, leurs avis sur les lois ou les décisions prisent par le pouvoir en place, et celui-ci peut à travers les disques enregistrés par les deejays connaître les sentiments du peuple jamaïcain.
Le Sound System joue alors le rôle de griot, qui dans la tradition africaine porte la parole du roi dans les villages et villes de son royaume à travers ses contes ou sa musique avant de retourner auprès du monarque lui annoncer les réactions du peuple. Nombreux DJ apportent leur voix aux Sound Systems et écrivent une page de l’histoire du dub jamaïcain comme Al Capone, Big Youth, I Roy, Ranking Joe suivis par une seconde génération de DJ tels U Brown, Prince Jazzbo, Jah Stitch, Doctor Alimentado et Prince Far I, tous intimement liés au dub. Les deejays servent le dub, le dub sert les deejays : ‘Words Of Wisdoms’ – Les Mots de la Sagesse (nom de la chanson reprise par U-Roy pour le morceau ‘Version Galore’).
Si Duke Reid est le premier qui enregistre un disque avec U-Roy, le producteur Bunny Lee, grand complice de l’ingénieur King Tubby, pour qui U-Roy anime les soirées en sound-system, sort plusieurs albums du deejay comme « Musical Vision » ou « The Originator » mixés dans le studio du King. Bunny ‘Striker’ Lee joue un rôle crucial dans le développement de la musique jamaïcaine et plus particulièrement dans l’évolution de la version (Dub).
Edward O’Sullivan Lee plus connu sous le nom de Bunny Lee commence par travailler avec Ken Lack, manager des Skatalites avant de se lancer dans la production de morceaux en louant des heures d’enregistrements dans les studios de Kingston. A partir des années 70, il devient l’un des producteurs le plus prolifique grâce à sa complicité avec un re-mixeur de génie, King Tubby. Un soir de 1968, Bunny appelle son ami Osbourne Ruddok, et lui propose de prendre la route en direction de Spanish Town pour découvrir les vibrations du Supreme Ruler Of Sound, Sound System de Ruddy Redwood dont la réputation résonne jusqu’à Kingston.
Lors de cette soirée, Osbourne Ruddok alias King Tubby ressent la vibration positive déclenchée par les versions instrumentales, une sorte d’interactivité entre l’animateur du sound et la piste de danse. Il entend le public présent reprendre en cœur les tubes de l’époque sur les dub-plates joués par le sélecteur (nom donné à celui qui passe les disques). Tubby imagine déjà les effets qui animeraient et donneraient plus de vie à ces versions pour dynamiter les soirées avec son sound-system…
C’est à ce moment là que le Dub est né dans la tête du légendaire King Tubby !
On se retrouve prochainement dans « Culture Dub, L’histoire du Dub de ses origines à nos jours » avec l’Épisode #4 : 1ère Partie : les Racines du Dub en Jamaïque (1967-1980) – King Tubby : Le Maître du Dub (part.1) !
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