Culture Dub – L’Histoire du Dub de ses origines à nos jours – Épisode #1
AlexDub, activiste de la scène Dub depuis les années 90’s, vous partage en plusieurs parties sa passion pour l’Histoire du Dub de la Jamaïque des années 60’s jusqu’à aujourd’hui… « Culture Dub, L’Histoire du Dub de ses origines à nos jours« . 1ère Partie : les Racines du Dub en Jamaïque (1967-1980) – De la version instrumentale au Dub (part.1) !
1ère Partie : les racines du dub en Jamaïque (1967-1980)
1) De la version instrumentale au Dub
Sans cette fameuse commande du morceau ‘On The Beach’ des Paragons passée par Ruddy Redwood pour son système de diffusion sonore au studio du producteur Duke Reid, le Dub ne serait peut être jamais né !
Jamaïque rime avec musique !
La Jamaïque traverse l’été de l’année 1966 sous une grosse canicule. Le ska, qui domine les pistes de danse – « les dancefloors » – depuis bientôt 10 années, est bien trop rapide pour les danseurs sous cette chaleur de plomb et va laisser place au rock steady. Ce nouveau style musical a un rythme plus lent, la batterie est mise plus en avant et la basse profonde, se rapprochant des productions de la musique soul américaine. La basse électrique joue un grand rôle dans la naissance du rock steady.
Le jeu syncopé va permettre de laisser plus d’espaces aux chanteurs contrairement aux lignes continuent du ska jouées par le bassiste. Les influences viennent de chanteurs comme le mythique James Brown ou The Impressions, diffusés sur les ondes des radios de l’île et découverts grâce aux jamaïcains qui font des allers-retours aux Etats-Unis. Ils y vont pour travailler et ramènent avec leurs économies des disques au fond de leur valise qui sont diffusés lors de soirées dansantes.
En 1966 la compétition musicale entre les deux principaux producteurs indépendants de l’île est très forte. Arthur ‘Duke’ Reid, ancien policier reconvertit dans la vente de spiritueux et la production de disques est un des acteurs incontournables de l’histoire de la musique jamaïcaine. Il dirige son propre studio d’enregistrement nommé Treasure Isle où il enregistre à partir de 1965 de jeunes chanteurs et produit de nombreux albums. Son plus fervent concurrent, le légendaire Clément ‘Coxsone’ Dodd, fondateur en 1963 du très prolifique et mythique Studio One, est « Le » producteur de l’ère du ska.
Il produit un nombre incroyable de rythmiques, toujours de très grande qualité et jouées par de talentueux musiciens. Les deux hommes oeuvrent depuis déjà plus de 15 années au sein de la scène musicale jamaïcaine et s’affrontent musicalement, lors de soirées dansantes, avec leurs sound-systems respectifs, le Trojan Sound System pour Duke Reid et le Sir Coxsone’s DownBeat pour Clément Dodd.
Le bras de fer musical qui les oppose est des plus enrichissants et « va aider la musique jamaïquaine à en arriver là où elle est aujourd’hui » confie le chanteur John Holt.
Avec l’arrivée du rock steady, Duke Reid innove en produisant des chansons qui parlent du quotidien de la jeune génération de l’île. Les textes racontent le succès où les mésaventures des Rude Boys, ces jeunes qui font régner la loi dans les ghettos grandissants de Kingston depuis l’indépendance. Les premières paroles parlant du mouvement « Rastafari » et des revendications sociales voient le jour suite à la venue en Jamaïque de l’Empereur d’Ethiopie, sa Majesté Hailé Selassié I, au mois d’avril de l’année 1966.
Et bien sur, la tendance est toujours aux chansons de cœur, aux déclarations d’amour, aux histoires qui finissent mal en général comme aime à les chanter le lover Alton Ellis (« Mister Soul Of Jamaïca ») dans les morceaux ‘Never Love Again’ où ‘I’m still in love with you’ !!!
En 1967 le patron du label Treasure Isle domine la scène musicale jamaïcaine avec le succès des disques de Justin Hinds, d’Alton Ellis et de la chanteuse Phyllis Dillon. Duke Reid produit de jeunes groupes comme les Techniques, les Melodians, les Silverstones où encore les Paragons (fondé par Bob Andy et composé de John Holt et Garth Evans à cette période). Ces derniers, sans le savoir sont à l’origine de la naissance du dub grâce à la 1ère version instrumentale (morceau sans les voix) pressée sur un vinyl de leur chanson ‘On The Beach’.
La version instrumentale par Rudolph ‘Ruddy’ Redwood
Rudolph ‘Ruddy’ Redwood tient un magasin de disque dans la ville de Spanish Town en Jamaïque. Passionné de musique, il construit son propre sound-system (système de diffusion sonore) et fabrique ses 4 premières enceintes pour jouer ses disques dans des soirées privées sous le nom de Supreme Ruler Of Sound. Après plusieurs prestations données dans son quartier, le S-R-S prend vite de l’ampleur et le public vient de plus en plus nombreux. Pour alimenter ses bacs de disques en musique actuelle Ruddy, en perpétuelle quête de nouveautés, s’approvisionne en morceaux exclusifs auprès du « cow-boy » Duke Reid. Celui-ci ne cesse d’enregistrer dans son studio du 33 Bond Street où musiciens et chanteurs se plaisent à donner le meilleur d’eux-mêmes car toujours rémunérés malgré les 2 colts (au minimum) accrochés à la ceinture du patron et les plafonds perforés par ses excès d’humeur, à la recherche du hit.
Après avoir animé une soirée avec sa sono mobile et découvert l’engouement du public lors du passage de la chanson ‘On The Beach’, le sélecteur Ruddy commande plusieurs dub-plates de ce morceau des Paragons à Duke Reid. Byron Smith est l’ingénieur attitré pour réaliser ce travail dans la salle de pressage du studio Treasure Isle. Les dub-plates sont des disques en acétate de cellulose, réservés exclusivement aux sound systems et ne sont pas commercialisés. Ils sont utilisés par les producteurs pour tester de nouvelles chansons en public avant de les distribuer en 45t et permettent aux sound systems de jouer des morceaux inédits.
Pour fabriquer cette « galette », l’ingénieur a besoin de la cassette de l’enregistrement original réalisé en studio qui comporte 2 pistes, comme les enregistreurs des studios indépendants de cette époque. Celle-ci est lue dans un lecteur qui sépare la piste des instruments et celle de la voix, et les transferts à la machine à graver à laquelle il est branché. L’ingénieur règle le niveau sonore de chaque piste et lance le pressage de ce vinyl unique destiné à la platine disque du sound-system.
Mais voilà que Byron Smith, lors du pressage de la commande de Rudolph Redwood, découvre, une fois la machine lancée, qu’il a par inadvertance oublié d’allumer la piste gauche correspondant à celle de la voix des Paragons sur le morceau ‘On The Beach’. Seule la piste des instruments est donc gravée sur le dub-plate. Il en parle aussitôt à Rudy, et celui-ci toujours à la recherche de nouveauté pour se démarquer des autres sound-systems, lui demande de garder le pressage en réalisant que cela peut apporter de l’originalité dans sa sélection. La version instrumentale vient de voir le jour en Jamaïque !
L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais lors de cette soirée d’été de 1967, c’est au tour de Rudolph Redwood de jouer au sein de son sound system Supreme Ruler Of Sound à Spanish Town. « L’homme de minuit », heure à laquelle il commence toujours à animer la piste de danse, joue plusieurs chansons de sa collection et se décide à poser sur sa platine le dub-plate instrumentale de ‘On The Beach‘.
C’est alors que le public jamaïcain passionné de Reggae, venu à la soirée et toujours en quête de nouvelles sensations, se met au premières notes du morceau à chanter d’une seule voix, reconnaissant le morceau des Paragons, provoquant une vibration inoubliable pour Ruddy. Il la joue plusieurs fois de suite tellement elle est encensée par la foule avant de diffuser la chanson originale. Redwood vient de transformer une erreur technique en véritable succès. Il s’empresse d’en parler à Duke Reid, et lui commande le pressage d’autres dub-plates de chansons du catalogue Treasure Isle en versions instrumentales.
Seul le sound-system de Ruddy qui est devenu le plus en vue de Spanish Town, joue à cette période des dub-plates d’instrumentaux. Duke Reid, en producteur expérimenté, ne laisse jamais passer une bonne idée. Il voie et entend parler de l’ambiance générée en soirée par ces sélections d’un nouveau genre et se met à produire d’autres morceaux dénudés de voix et les commercialise sur la face B du disque des chansons originales. Clément Coxsone Dodd aussi donne une seconde vie aux nombreuses rythmiques enregistrées dans son studio, en les re-mixant accompagnées de solos de cuivres ou d’orgue.
Les disques 33t sont accrédités au nom des musiciens solistes qui profitent de cette opportunité pour se faire connaître auprès du grand public jamaïcain. A la fin des années 60, Duke Reid sort sur son label Treasure Isle plusieurs albums instrumentaux dont les fameux « Down On Bond Street » et « Greater Jamaïca » du saxophoniste Tommy McCook. Sur le label Studio One de Coxsone on trouve entre autres les albums « In London » et « Keep On Dancing » de l’organiste Jackie Mittoo et « 100 Years After » du très apprécié et génial tromboniste Don Drummond.
On se retrouve prochainement dans « Culture Dub, L’histoire du Dub de ses origines à nos jours » avec l’Épisode #2 : 1ère Partie : les Racines du Dub en Jamaïque (1967-1980) – De la version instrumentale au Dub (part.2) !
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