Dubmatix – Interview inédite réalisée par Olivier F – Soft Secrets

Retrouvez une interview inédite et en français du dubber canadien Dubmatix… Réalisée en Octobre 2015 pour le journal franco-hollandais Soft Secrets par Olivier F, voici une version longue et enrichissante de cette entrevue à l’occasion de la sortie de l’album « The French Session » !

Dubmatix - Soft Secrets
Dubmatix – Soft Secrets

 

Les French Sessions du King of Dub

Jesse King aka Dubmatix est reconnu depuis plusieurs années comme l’un des meilleurs producteurs de Dub internationaux. Ce canadien anglophone qui vit à Toronto a toujours connu un grand succès dans l’Hexagone. Après avoir collaboré avec les plus grands chanteurs internationaux, il a enregistré son dernier album uniquement avec des chanteurs et des MCs français. Comme tous les albums de Dubmatix, « The French Sessions » (lire la chronique) contient plusieurs ganja tunes : ‘Fais Tourner‘ avec Volodia et ‘Long Time To Roll‘ avec JR. Yellam.

Interview de Dubmatix réalisée par Olivier F pour le journal franco-hollandais Soft Secrets en intégralité et en français exclusivement sur Culture Dub !

Soft Secrets France : Pourquoi avoir choisi d’enregistrer un album uniquement avec des chanteurs français ?

Dubmatix : La France a été incroyable pour moi. C’est mon deuxième pays et après neuf ans de tournée, j’ai eu l’occasion d’apprendre à connaître plein de gens, de découvrir la culture, la gastronomie et le vin. Il y a deux ans, l’idée m’est venue de travailler avec des chanteurs français parce que la France a été si bonne avec moi que je voulais faire quelque chose pour montrer ma gratitude et mon respect. Quelle meilleure façon que de faire un album uniquement avec des chanteurs français ?

Dubmatix - The French Sessions
Dubmatix – The French Sessions

Comment a-tu sélectionné les collaborateurs pour cet album ?

Max de iWelcome, Alex de Music Action (mon manager) et Cheeka de Partytime Radio m’ont aidé à me connecter avec les jeunes chanteurs et MCs français.. Entre les personnes mentionnées ci-dessus, les managers des artistes, les labels et les studios d’enregistrement qui ont enregistré les chanteurs pour moi, ce fut vraiment un effort d’équipe pour créer cet album et le résultat est conforme à ce que j’espérais…

Quels sont tes morceaux préférés sur l’album ?

C’est facile : tous les morceaux ! Ha ha ! Mais c’est vrai. Je ne sors jamais un morceau si je ne suis pas satisfait et je suis satisfait de tous les morceaux et de tous les chanteurs. Il est intéressant de travailler avec une large sélection de chanteurs et MCs, ce qui crée la diversité de l’album : hip-hop, reggae, electro, bass music, digital, jam sessions et passages acoustiques. Il est très amusant de voir les morceaux que les observateurs et les fans préfèrent. Certains me disent qu’ils préfèrent tel chanteur ou tel morceau en particulier et d’autres me disent les contraire.

Et quels sont tes morceaux préférés sur l’ensemble de tes albums ?

Il y a quelques morceaux que je place au dessus des autres :

1. ‘Blessing of Compassion’ avec Alton Ellis : une chanson magnifiquement interprétée et écrit l’année ou il est décédé.
2. ‘Tornado’ avec Ranking Joe : j’adore sa façon de chanter. Sa voix est vraiment comme un autre instrument.
3. ‘Slow down’ avec Tenor Fly, Rough Likkle Town avec Brother Culture et d’autres morceaux dans le même style. Ce sont les favoris du public et ils rencontrent du succès partout où je les joue.

Y a t-il certains de tes morceaux que tu ne veux pas jouer pendant tes sets ?

Il y en a pas mal. Je ne joue aucun morceau de mon premier album, un seul de mon 2ème. Je continue de jouer de jouer les titres qui sont devenus connus mais en versions remixes ou alternatives. J’essaie vraiment d’apporter un peu d’air frais et je travaille toujours avec des remixes inédits. Pour cette dernière tournée : des nouveaux remixes de Morgan Heritage, Subterfuge avec Mr Williamz, Nubiyan Twist et quelques versions exclusives de mes propres morceaux.

Tu viens en France très souvent. Qu’est ce qui te plait particulièrement dans notre pays ?

J’apprécie beaucoup la culture française. Partout où je suis allé, les gens m’ont très bien reçu et je me suis senti comme à la maison. J’aime comme vous, prendre le temps de déguster un bon repas avec du vin, passer du temps avec la famille et les amis. (l’apéro !). J’apprécie cette ouverture aux arts et à la culture, la diversité des styles musicaux… Et les Français ont le sens de l’humour !

Cet été, vous avez fait une tournée des plages sur la côte ouest française avec la chanteuse LMK et le MC Volodia… 

Ce fut une grande tournée : Rezident, LMK, Doan, Volodia et moi-même. Nous avons fait 12 dates ensemble et chaque concert a été un super moment. Nous étions 9 en tout sur la tournée avec Xabi le directeur de tournée, Jean-Lou notre ingénieur du son, Stephen & Teddy pour la promo. Nous sommes devenus comme une famille et nous avons joué sur les plus belles plages de la côte ouest.

Comment décrirais-tu un de tes sets à quelqu’un qui ne t’as jamais vu ?

Mes sets live sont vraiment destinées à apporter une variété de styles musicaux aux public : du rocksteady au digital old-school, du, dubstep, du reggae, un peu de trap, du rub & dub, du ska, de la bass music, de l’electro, du dub steppa, et bien sûr, de la jungle. Je vais accélérer progressivement le tempo puis, redescendre pour souffler un peu. La plupart du temps après les premiers morceaux je regarde pour voir comment le public réagit. Certaines nuits, j’ai passé une heure de jungle, dans un set de 90 minutes. S’il s’agit d’un sound system plus roots, je vais ressortir cetains de mes anciens morceaux avec Pinchers, Sugar Minott et d’autres. A chaque fois, je prend beaucoup de plaisir à faire de bons shows et j’essaye de créer un peu d’animation, on me surnomme même : « Kung Fu arms« . Ha, ha !

Dubmatix
Dubmatix

Tu joues la plupart des instruments sur tes albums (guitare, basse, batterie et claviers). Quelles sont tes techniques de composition ?

Je commence habituellement avec une idée, parfois inspirée par quelque chose que j’entendu. Ensuite, je créé un rythme basique, puis la basse. Une fois que je trouve la bonne ligne de basse, je construit le rythme qui s’adapte bien à la basse. Ensuite, j’enregistre les différentes pistes : guitare, piano, clavier, orgue…etc.

J’ai tendance à superposer de nombreuses couches sur mes morceaux, puis à déconstruire jusqu’à ce que je trouve les couches qui vont bien ensemble. Parfois, je vais enlever presque tout jusqu’à ce que j’entende l’essence même de ce qui me plaisait dans cette chanson au départ et recommencer à nouveau. Une fois que j’ai tous les éléments en place, je commence à faire l’arrangement de la chanson : l’agencement des différentes parties, l’édition et l’égalisation des instruments, puis, enfin, je vais ajouter les FXs. J’ai une habitude qui date de mon premier album : commencer par ajouter de l’écho / delay sur les skanks en une seule fois. Ensuite, la reverbe et l’écho sur la caisse claire, puis l’ écho sur la totalité de la piste. Une fois que je l’ai fait, je vais modifier les meilleures parties de chaque écho et les laisser dans le morceau pour lui donner un sens du mouvement et de la dynamique. Je suis un adepte engagé de King Tubby. Il est donc obligatoire pour moi d’avoir de l’écho et de la reverbe sur chaque morceau.

J’utilise le synthé virtuel Massive avec lequel j’ai créé environ 80 presets. Je l’utilise surtout pour les basses. La plupart du temps, j’utilise de vrais instruments : orgues, synthés, Rhodes, batterie, guitares, basses, percussions. Je les enregistre dans mon ordi puis je travaille les sons pour les faire sonner comme quelque chose de différent. Pour les effets : Korg Kaos Pad 2, Space Echo Roland, 555 Chorus (Originals), Moog Delay, Boss Pedal Version… J’utilise aussi les plugins UAD. Pour le live, c’est assez assez simple : les effets interne du logiciel Traktor (écho, phase et gating) avec une pédale de delay et une pédale reverbe de Boss. Je ne branche pas la pédale reverbe dans certaines salles.

Tu as collaboré avec de nombreux chanteurs prestigieux. Y en a t-il d’autres avec qui tu aimerais collaborer ?

J’ai eu la chance de travailler avec tant de grands noms que je n’ai pas quelqu’un en particulier à l’esprit en ce moment. Mais j’ai quand même quelques idées : travailler avec certains trio harmoniques classiques de la fin des années 60 et du début des années 70 et aussi, des toasters des années 70. Mais je ne sais vraiment pas où je vais me diriger dans ce domaine. C’est le plaisir qui me guide.

Quand tu étais jeune qui étaient les artistes qui t’ont donné envie de faire de la musique ?

Mon père. C’est un musicien et j’ai grandi en tournée et dans les studios. On avait un petit studio à la maison et ont était entourés par la musique et les musiciens. Musicalement, quand j’étais très jeune, j’écoutais. Kiss, The Beatles, The Clash, Bob Marley, Musical Youth, B52’s, Led Zeppelin, beaucoup de rock, de heavy metal, de folk, de classique…etc. J’aime tout ce qui peut être une influence pour ce que je fais. Je pense que se concentrer sur un style limite votre perspective et votre créativité.

L’important est d’écouter le plus de musique possible. J’écoute même parfois le TOP 40 dans ma voiture pour connaître ce qui se fait dans ce domaine. Je me souviens d’une tournée où nous avons du faire beaucoup de route à travers l’Europe et comme nous n’avions que 5 CDs, nous avons écouté le nouveau CD du groupe Muse tant de fois qu’il m’a marqué de façon indélébile. J’ai apporté un peu de leur style sur un morceau que je l’ai fait avec Prince Jazzbo sur le CD Rebel Massive. Pendant les tournées j’apprend beaucoup en regardant d’autres groupes ou DJs. Parfois, je vais voir le DJ pour lui demander :  » Qu’est-ce que tu joues ? C’est génial ! « . Je m’intéresse alors à l’artiste et c’est une nouvelle aventure musicale qui commence.

Quels sont les artistes actuels que tu apprécie particulièrement ?

Il y a tellement de bon artistes ! Déjà, les chanteurs des French Sessions ! Parmi les producteurs, il y a Dreadsquad ou Dub Terminator qui sortent constamment de très bons morceaux. Les Hempolics sont aussi très créatifs. Il y en a plein !

Quels sont tes projets professionnels ?

Je fais beaucoup de travail de remix bien que je prévois de ne pas prendre de nouveaux remixes pour un moment. Je pourrais alors me concentrer sur mon prochain album. Je fait un peu de travail de production pour les artistes : mixage et mastering d’albums ou de morceaux. Je travaille sur un projet pour une société basée à Berlin qui devrait sortir bientôt.

Dubmatix
Dubmatix

Tu as arrêté de fumer de la weed il y a quelques temps mais tes albums contiennent toujours plusieurs ganja tunes…

La weed a toujours fait partie de ma vie. Le cannabis permet de se détendre, d’avoir des crises de fou rire et de bonnes discussions. Il y a 70 ou 80 ans, le cannabis était légal. Il a ensuite été classé dans la même catégorie que l’héroïne ou comme une porte d’entrée pour les drogues plus dures, ce qui n’est pas le cas.

Quelle est actuellement la situation en Ontario pour la marijuana ?

Sur la côte ouest du Canada, en Colombie-Britannique, le cannabis est devenu une industrie avec un chiffre d’affaires de deux milliards de dollars par an. Il y a maintenant des dispensaires qui ont pignon sur rue et il est possible d’acheter du cannabis légalement mais il y a encore beaucoup d’amélioration à apporter. La weed devrait être plus facilement disponible, comme l’alcool et le tabac le sont déjà. Les avantages seraient immenses : moins de criminalité et plus d’argent dans les caisses de l’état. Cet argent permettrait de subventionner divers programmes sociaux à travers le pays. Toronto est un peu dans une zone grise pour la marijuana. Elle était illégale, puis légale et maintenant, en quelque sorte, à nouveau illégale. Si vous marchez dans la rue avec un spliff, vous ne risquez pas de vous faire arrêter. Les autorités ont tendance à se concentrer sur les gros trafiquants. Nous pouvons avoir une certaine quantité pour un usage personnel. Il y a donc un certain équilibre pour le moment.

 

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