Culture Dub – L’Histoire du Dub de ses origines à nos jours – Épisode #2
AlexDub, activiste de la scène Dub depuis les années 90’s, vous partage en plusieurs parties sa passion pour l’Histoire du Dub de la Jamaïque des années 60’s jusqu’à aujourd’hui… « Culture Dub, L’Histoire du Dub de ses origines à nos jours« . 1ère Partie : les Racines du Dub en Jamaïque (1967-1980) – De la version instrumentale au Dub (part.2) !
1ère Partie : les racines du dub en Jamaïque (1967-1980)
1) De la version instrumentale au Dub (Suite – part.2) / Les Sound Systems
Très vite la version, premier nom donné au Dub, succède à l’instrumentale. L’évolution technologique des studios, le développement de l’industrie du disque et la création de nombreux sound-systems participent à l’émergence du Dub.
Versions (Dub) et productions
La particularité de la version réside dans la mise en avant du couple basse-batterie, l’apparition épisodique de la piste des mélodies et l’introduction de bribes de voix. Pour se donner encore plus de liberté dans le mixage de ses versions, l’ingénieur couple deux enregistreurs 2 pistes et utilise la technique appelée « ping-pong ». Il ré-enregistre les deux pistes du premier enregistreur avec les réglages voulus et les envoie sur une seule piste du second enregistreur et ainsi de suite d’un enregistreur à l’autre ! Ce qui lui permet de superposer le nombre de piste à souhait et de reconstruire le morceau afin d’en produire différentes versions en partant d’une seule, le concept du remix.
La version deviendra vite la face B des 45 tours jamaïcains produits par Duke Reid, pour ses labels Trojan (le nom de son sound system) et Treasure Isle. Sont compilées sur l’album (22 titres) « The Treasure Isle Dub volume 1 & 2 » des productions de faces B du Treasure Isle Studio de Duke Reid, jouées par son groupe résidant, The Supersonics (composé du guitariste Lynn Tait, inventeur de la « cocotte », façon de jouer à la guitare et qui fera la marque de la musique jamaïcaine) et mixées par Errol Brown. Disque réédité par le label français Esoldun en 1993. Duke Reid disparaît en 1975 en plein apogée du reggae, laissant derrière lui un travail lui assurant son immortalité !
Cependant, les premières versions se retrouvant sur la faces B de 45 tours en Jamaïque sont à mettre sur le compte de quelques explorateurs sonores comme Lee Perry, avec les morceaux ‘Yakety Yak’, ‘Bush Tea’, ‘Kill Them All’ ou ‘Herb Man’ de Clancy Eccles. On retrouve, pour la 1ère fois sur les disques des re-mixes de la version originale, appelés ‘Chapter 1′, ‘Chapter 2′. Mais c’est sur le maxi disco-45 tours « New Flash, Versions I & II« , un des 1er du genre en Jamaïque, au format de 30 centimètres, ce qui donne la possibilité d’y graver plusieurs morceaux, produit par Joe Gibbs en 1970, que pour la première fois le mot « version » apparaît.
Le producteur de ce morceau enregistre alors 3 chanteurs différents sur la même rythmique (riddim). Les 3 chansons produites sont classées à leur sortie dans le top des charts jamaïcain. Nous avons là les prémices du « One Riddim Album » produit en abondance dans les années 90… Les producteurs de l’époque sont aussi des investisseurs et ils comprennent très vite qu’il est bien plus lucratif de vendre deux 45 tours, chacun avec leur version chantée et leur version instrumentale en face B plutôt qu’un seul disque avec les deux chansons.
De plus l’état jamaïcain à la fin des années 60 instaure une nouvelle loi pour réguler la vente des disques en magasin, et impose un prix de vente. Les producteurs ne peuvent plus vendre des pressages en avant-première (avant un plus gros pressage destiné au grand public) plus cher que le disque commercial. Alors pour s’adapter à cette loi tout en continuant à faire rentrer de l’argent pour sortir des disques, les producteurs prennent l’habitude de mettre la version instrumentale sur la face B des 45t, et font l’économie des frais de studios et de musiciens pour ce morceau.
Finalement l’état a poussé les acteurs de la scène musicale dans leur retranchement et a incité ceux-ci à toujours être des plus créatifs pour continuer à diffuser leur musique et vivre de leur passion, il en est de même pour la création des premiers sound-systems en Jamaïque.
Winston Blake, propriétaire de sound-system dira dans Reggae Explosion : « Les Sound-Systems sont venus des bruits de la terre, de tout en bas (…) Sans le sound system, il n’y aurait pas de musique jamaïquaine. »
Sound-System et Deejay : les griots jamaïcains
C’est avant tout pour des raisons financières que petit à petit les sound-systems apparaissent au début des années 50 en Jamaïque et remplacent les orchestres traditionnels pour jouer dans les soirées dansantes. Le organisateurs de ces bals, souvent des patrons d’hôtels, de bars ou de boites de nuits n’hésitent pas une seconde quand ils apprennent la possibilité de faire venir un system de diffusion sonore avec seulement un « passeur de disque », le selecteur, accompagné d’un animateur au microphone. Le calcul est simple, moins de musiciens à rémunérer, un budget nettement moins élevé pour la nourriture et les boissons alcoolisées consommés par les artistes, la crise économique réorganise la scène musicale jamaïcaine et donne naissance à l’histoire des sound-systems, indissociable de l’histoire du Dub et plus largement du Reggae.
Bunny Lee, un des plus grands producteurs de Dub jamaïcain se rappelle avec Steve Barrow : « Après avoir joué une heure l’orchestre fait une pause et va manger de la chèvre au curry et boire de l’alcool. Les organisateurs ne faisaient pas de profit, cela leur coûtait trop cher, les musiciens pouvaient manger une chèvre entière ! Alors quand les sound-systems sont arrivés, il n’y avait plus de pause… »
Les premiers sounds sont équipés d’un amplificateur, d’une platine disque et des plus grosses enceintes que l’on peut trouver dans le commerce mais à partir du milieu des années 50 Hedley Jones construit les « House Of Joy », des enceintes de la taille d’une garde robe, spécialement conçues pour une diffusion sonore puissante.
Les sound-systems s’installent dans la rue où habite leur propriétaire et des rencontres commencent à voir le jour, des compétitions musicales, à celui qui réunira le plus grand nombre de personnes à sa soirée et deviendra l’élu du quartier. L’originalité des morceaux diffusés, l’enthousiasme de l’animateur, mais aussi la puissance sonore délivrée par les enceintes prennent toute leur importance pour s’octroyer le soutien du public et étouffer jusqu’à extinction le son des concurrents.
Les premiers sound-systems à se faire une réputation dans les rues de Kingston sont Tom The Great Sebastien avec le deejay Count Machuki et le selecteur Duke Vin (qui sera le premier à monter un sound-system en Angleterre), Sir Coxsone’s Downbeat de Clément Seymour Dodd, le Trojan Sound de Arthur Duke Reid et le King Edwards The Giant de Vincent King Edwards, le plus puissant à la fin des années 50.
Le rendez-vous est pris, les jeunes jamaïcains viennent dans les soirées écouter, découvrir et danser sur les nouveaux tubes rhyhtm’n blues et jazz américains de Duke Ellington, Fats Domino ou Sarah Vaughan joués en 78t par les sélecteurs des sound-systems.
A partir de 1958, le jeune Prince Buster, qui jusque là travaillait pour le sound de Cosxone, s’émancipe et créé son propre sound-system avec une idée bien en tête, en faire le porte-parole du peuple et s’en servir comme instrument militant, conscient et culturel au sein de la société jamaïcaine toujours colonisée par la couronne anglaise. Il l’appelle The Voice Of The People (La voix du peuple) et se démarque des autres acteurs de la scène sound-system en jouant essentiellement des productions jamaïcaines, la musique de son île.
Le public ne s’y trompe pas, il vient en grand nombre soutenir « sa » culture et danser sur « sa » musique, des morceaux que Prince Buster enregistre dans les studios de Kingston et qui sont les prémices du ska, le nouveau style musical de l’île.
Prince Buster raconte dans Bass Culture en 2000 : « Mon sound-system allait devenir la station de radio du peuple par le biais des dancehalls, où il allait pouvoir y exprimer des idées qu’on entendait jamais sur les grandes stations de radio. (…) La musique des ghettos et de la campagne était créée par le peuple pour le peuple. Depuis lors, la musique jamaïcaine – appelez-la ska, appelez-la rocksteday, appelez-la reggae, appelez-la roots – a toujours été la musique du peuple. »
The Voice Of The People devient alors le sound incontournable des nuits de Kingston.
Les autres patrons de sound-system, voyant le succès remporté par Prince Buster se lancent eux-aussi dans la production de musique locale, engagent des musiciens et enregistrent en studio des morceaux originaux destinés à leur platine. La compétition est de plus en plus rude, on espionne les adversaires, on envoies des gardes du corps ravagés le matériel des autres sounds, on créé des mauvaises vibrations sur les pistes de danses concurrentes en y tirant des coups de feu.
C’est dans cette ambiance de guerre musicale que Duke Reid, Clément Coxsone Dodd et Prince Buster, les trois maîtres des sound-systems sont des plus créatifs et enregistrent, au Federal Studios, leurs dub-plates qu’ils envoient ensuite sur leur platine comme des missiles sonores pour être le numéro 1 de la scène jamaïcaine.
En 1959 les premiers 45t apparaissent sur l’île des caraïbes, les sélecteurs déchirent les étiquettes des disques qu’ils achètent et les producteurs inventent le « White Label », qui consiste à ne rien inscrire sur le vinyl, le rond du milieu où sont censées être inscrits le nom du morceau et celui du chanteur est blanc pour ne pas que les espions découvrent le morceau diffusé.
On se retrouve prochainement dans « Culture Dub, L’histoire du Dub de ses origines à nos jours » avec l’Épisode #3 : 1ère Partie : les Racines du Dub en Jamaïque (1967-1980) – De la version instrumentale au Dub (part.3) !
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