Culture Dub – L’Histoire du Dub de ses origines à nos jours – Épisode #15
AlexDub, activiste de la scène Dub depuis les années 90’s, vous partage en plusieurs parties sa passion pour l’Histoire du Dub de la Jamaïque des années 60’s jusqu’à aujourd’hui… « Culture Dub, L’Histoire du Dub de ses origines à nos jours » . Épisode #15 – 1ère Partie : les Racines du Dub en Jamaïque (1967-1980) – Une histoire de producteurs et d’ingénieurs du son ! (part.8 : Lee Scratch Perry – Suite)
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1ère Partie : les racines du Dub en Jamaïque (1967-1980)
3) Une histoire de producteurs et d’ingénieurs du son (part.8 – suite)
Lee Perry, le Reggae et Bob Marley
Lee ‘Scratch’ Perry collabore avec le producteur Joe Gibbs en compagnie de Winston ‘Niney’ Holness, dont il vient de faire la connaissance et va produire de superbes enregistrements avec les groupes The Versatiles, The Slickers et avec Peter Tosh. Pour diverses raisons obscures Scratch et Niney se fâchent avec le producteur et décident de s’installer chacun à leur compte. Clancy Eccles, producteur indépendant, donne à Perry le riddim ‘Feel The Rythm’ qui enregistre avec ce morceau la chanson ‘People Funny Boy’ dirigée à l’encontre de Gibbs (Perry est un adepte des chansons clash, il n’en est pas à son premier essai), l’un des premiers morceaux de l’histoire du Reggae avec aussi ‘Nanny Goat’ de Larry Marshall produit par Coxsone et ‘Do The Reggay’ de Toots and The Maytals.
Lee Scratch Perry enregistre dans le tempo de la rythmique des pleurs de bébé tout au long du morceau (pour appuyer le sens des paroles) et ‘People Funny Boy’ obtient un grand succès grâce certainement à un rythme groovant, entraîné par la voix de Lee Perry (entre chant et tchatche). Le 45t se vend à plus de 60000 exemplaires entre la Jamaïque et l’Angleterre. II produit plusieurs autres versions instrumentales comme ‘Tighten Up’, ‘Popeye On Shore’ en compagnie de son groupe de studio qu’il nomme The Upsetters, formé à ses débuts des batteurs Lloyd Adams, Sly Dunbar et Hugh Malcolm, des bassistes Clifton et Jackie Jackson, de Gladstone Anderson au piano, Winston Wright à l’orgue, Hux Brown à la guitare et du saxophoniste ténor Val Bennet.
Avec l’aide de Clancy Eccles, Niney The Observer, l’ami de Perry, sort le morceau ‘Blood & Fire’, aux paroles mystiques qui influencent une nouvelle génération de chanteurs par les thèmes abordés comme le feu ou l’apocalypse. En 1969, Lee Perry produit un de ses plus grands hits sur le label Trojan en Angleterre et construit sa popularité avec le morceau ‘Return Of Django’. Cette reprise instrumentale de Fats Domino est un immense succès aussi bien dans les Sound Systems jamaïcains qu’auprès des skinheads anglais.
L’album du même nom « Return of Django« , qui avec ses incorporations délirantes d’instruments solo et ses introductions de morceau avec la voix de Perry passée aux effets, annonce la couleur, suivit de la sortie des 33t instrumentaux « Many Moods of The Upsetters » et « Eastwood Rides Again » assoit la réputation de Perry et de son groupe The Upsetters, reformé autour des musiciens du groupe Hippy Boys avec le batteur Carlton Carly Barrett et son frère Aston Family Man Barrett, jusqu’à tomber dans les oreilles d’un certain Bob Marley !
The Wailers composé de Bob Marley, Peter Tosh et Bunny Livingstone sont à la recherche de nouveaux producteurs, le succès de leurs premiers enregistrements n’est pas à la hauteur de leurs espérances.
Bob démarche Lee Perry qui confie dans une interview réalisée par David Katz : « Bob est venu me voir pour travailler avec moi, mais à cette période je ne voulais pas travailler avec des chanteurs, je voulais juste réaliser des versions instrumentales. Mais j’ai senti que Bob avait besoin d’aide… »
Lee Perry enregistre avec les Wailers le morceau ‘Duppy Conqueror’ pour chasser les mauvais génies qui, pour lui, habitent Bob Marley, et le met en avant en tant que chanteur principal du groupe. Perry enregistre dans les studios Randy’s et Dynamic de nombreuses chansons avec Bob Marley and The Wailers entre 70 et fin 71 compilées sur les albums « African Herbsman« , « Soul Rebels » et « Soul Revolution » qui lancent le groupe Reggae sur la scène internationale.
A chaque chanson enregistrée Lee Scratch Perry mixe des versions Dub qui voient le jour agrémentées par le piano à bouche d’Augustus Pablo sur l’album « Augustus Pablo meets Lee Perry & The Wailers Band – Rares Dub 70/71″, produit par l’Upsetter lui-même mais aussi dans un coffret édité par Trojan en 2003 regroupant huit 45t reproduits à l’identique de leur 1ère sortie en Jamaïque avec les Dubs sur les faces B des chansons produites par Lee Perry lors de sa rencontre avec Bob. Les Wailers débutent leurs sessions d’enregistrements au studio Tuff Gong en compagnie de Lee Perry (Studios où les Wailers enregistrent leurs prochains albums) qui sort de nombreux instrumentaux sur les faces B de leurs 45t, réunis par le label français Esoldun sur l’album « The Upsetter Record Shop Volumes 1 & 2″.
A partir de 1972, Lee Scratch Perry affirme son penchant expérimental et produit, en plus des superbes chansons de Reggae moderne (plus lent encore, que l’on appelle aussi le Reggae Roots), des instrumentaux où les bidouillages et autres bruitages sont de plus en plus présents. On retrouve ses versions, prémices ou prototypes du Dub, sur l’album délirant « Cloak and Dagger » , avec des rajouts de Saxophone par Tommy Mc Cook, qui annonce la direction prise par Perry dans ses productions musicales. Au début de l’année 1973 il enregistre « Blackboard Jungle Dub » , un album culte mixé avec King Tubby, et qui contribue sûrement à l’extraordinaire aventure du Dub.
Le Dub et Lee Scratch Perry
« Blackboard Jungle Dub » est l’un des premiers albums Dub produit en Jamaïque mais aussi celui qui annonce le plus clairement la direction que prend ce style avec ses basses de plus en plus présentes, ses effets tonitruants, ses sirènes, ses percussions, son mixage déroutant. « Blackboard Jungle Dub » est construit sur les bases du Reggae tout en créant une musique plus folle, plus « barrée », non formatée, plus underground, le Dub.
Perry fréquente depuis quelques temps le studio du 18 Dromilly Avenue à Waterhouse et re-mixe avec le maître des lieux, King Tubby, plusieurs versions Dub des chansons comme ‘Woman’s Gotta Have It’ de Jimmy Riley (‘Woman’s Dub’) ou ‘Three Blind Mice’ de Leo Graham (‘Three Times Three’). Lee Scratch Perry va même enregistrer directement les rythmiques dans le studio de King Tubby qui n’est pourtant pas aménagé à cet effet, mais la complicité et l’attirance mutuelle pour les expérimentations réunissent les deux ingénieurs derrière la console.
« Upsetters 14 Dub Blackboard« , sa première appellation, contient comme son nom l’indique 14 versions Dub mixées par Lee Perry et King Tubby et sort sur le label Upsetter, distribué à 300 exemplaires (avis à ceux qui en ont un exemplaire original, un collector ultra-rare !). Lors de sa réédition par différents labels (Ras, Jet Star, Clocktower…) on ne retrouve plus que 12 plages, compilées sur le vynile « Blackboard Jungle Dub« .
C’est avec cet album que le travail de l’ingénieur du son prend vraiment toute son ampleur. Ce ne sont plus seulement des rajouts d’effets et de mixage, c’est carrément une ré-interprétation du morceau par celui qui le re-mixe. L’ingénieur du son devient alors un musicien à part entière. David Katz, qui a écrit la biographie « People Funny Boy » de Lee Scratch Perry dit de cet album : « Blackboard Jungle Dub démontre le pouvoir qu’a le Dub de transformer un morceau en altérant radicalement sa composition grâce à un mix original et une représentation spatiale ».
Les morceaux mixés au studio de King Tubby réunis sur cet opus sont des re-mixes des meilleurs chansons reggae enregistrées par Lee Scratch Perry. On y retrouve les versions Dub de ‘Kaya’ (‘Sin Semilla Kaya Dub’) et ‘Keep On Moving’ (‘Moving Forward’) des Wailers, ‘Dreamland’ (‘Dreamland Dub’) de Bunny Wailer, le superbe ‘A Place Called Africa’ (‘Dub From Africa’) et ‘Fever’ de Junior Byles, ‘Pop Goes The Wisel’ (‘Pop Goes The Dread Dub’) de Neville Grant ou encore ‘To Be A Lover’ de Chenley Duffus et les re-mixes de ‘Bucky Skank’, ‘Hot Tip’ et ‘You Can Run’ des Hurricanes.
Les pistes de basses et de batteries sont souvent isolées (Lee Perry et Tubby appliquent même un effet de réverbération sur la basse pour lui donner de l’ampleur) et on comprend mieux à l’écoute de « Blackboard Jungle Dub » le terme Drum’N Bass (style musical des années 90). Pour remplacer les pistes de chant, les 2 compères mixent, avec parcimonie, sur les rythmiques des mélodies de flûtes et de saxophones passées sans retenue dans la réverbération à ressort, accompagnées par des bribes de paroles de Lee Scratch lui-même et de U-Roy.
Lee Perry utilise les échos sur les sons de la batterie pour les étirer au maximum, ponctués par les meuglements de sa « boite à meuh » (la petite boite que l’on retourne et qui fait le son de la vache !) et différents bruitages passés à travers la machine à effets. Un album indispensable dans toutes discothèques pour son originalité, sa qualité musicale mais aussi pour son apport à l’histoire du Dub, « Blackboard Jungle Dub » est le premier 33t Dub réellement enregistré en stéréo.
King Tubby et Lee Perry ont tous les deux longtemps revendiqué la paternité du mix de ce fabuleux album et Lee Perry lors d’une interview dira : « King Tubby est venu me voir car il cherchait l’aventure et que je suis le seul aventurier. Tubby cherchait cette aventure qui le ferait passer de l’état de sperme à celui de bébé, et il a vu l’aventure. Il a su que c’était l’aventure de Dieu. L’aventure du Dub. Je croyais qu’il était mon élève et il croyait que j’étais son élève. Mais c’est sans importance. Ça ne fait aucune différence, je ne suis pas jaloux… »
L’année 73 est fructueuse en sorties d’albums Dub en Jamaïque (« Aquarius« , « Java Java Java« , « Serial Dub ») et Lee Scratch Perry produit en plus de « Blackboard Jungle Dub » le très rare opus « Rhythm Shower« . La formation du groupe de studio les Upsetters est encore une fois renouvelée avec les départs de Carlton et Aston Family Man Barrett pour le groupe de Bob Marley, The Wailers. Les Upsetters sont toujours formés de Winston Wright, Hux Brown, Jackie Jackson et Gladdie Anderson rejoints par le pianiste Theophilius Beckford, le batteur Lloyd Tinleg Adams, Boris Gardiner à la basse, Ron Wilson au Trombone, Bobby Ellis à la trompette et Tommy McCook au saxophone.
Sur « Rhythm Shower« , un album plus instrumental que Dub (d’ailleurs il est intéressant d’écouter « Rhythm Shower » et « Blackboard Jungle Dub« , tous les 2 produits la même année pour se rendre à l’évidence de l’avancée et de l’innovation Dub apportées par ce dernier), on peut entendre le deejay Dillinger sur la version instrumentale ‘Tighten Up’, on retrouve le superbe morceau ‘Words Of My Mouth’ du groupe The Gatherers en version appelée ‘Kuchy Skank’ ainsi que la chanson ‘To Be A Lover’ (‘Lover Version’) de George Faith, rejouée par Lee Perry & The Upsetters.
L’argent commence à rentrer pour Perry, surtout grâce à la distribution en Angleterre de ses albums par le label Trojan. Le son et la folie Lee Perry plaisent au public anglo-saxon et à la communauté jamaïquaine de Londres qui ne cesse de grandir. Fin 73, Lee Scratch Perry décide de gagner totalement son indépendance, aussi bien dans l’enregistrement des morceaux que du mixage à la console, et construit son propre studio de musique, le Black Ark Studio qui, malgré sa courte durée de vie, donne les plus grands morceaux de l’Histoire du Reggae et de ses re-mixes Dub.
On se retrouve prochainement dans « Culture Dub, L’histoire du Dub de ses origines à nos jours » avec l’Épisode #16 : 1ère Partie : les Racines du Dub en Jamaïque (1967-1980) – Une histoire de producteurs et d’ingénieurs du son ! (part.8 : Lee Scratch Perry – Suite)
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